Les mathématiques ont une image très particulière auprès d’un public qui en garde un mauvais souvenir, mais respecte aveuglément ce qui est censé émaner d’elles. Il n’en faut pas plus pour que certains en profitent, en particulier dans le cercle du pouvoir. Des décisions aberrantes ont été prises, de l’Antiquité à nos jours, en s’appuyant sur une pseudo-utilisation de leurs résultats. Ajoutons que les journalistes, peu formés aux mathématiques, tombent facilement dans les pièges des manipulateurs. Les réseaux sociaux contribuent aussi aujourd’hui à faire circuler de fausses données ou de fausses conclusions.
C’est ce que développe ce livre, qui raconte le partenariat parfois malsain entre mathématiques et pouvoir, en commençant par un personnage qui alliait les deux spécialités, Pythagore.
Les principaux domaines utilisés à de mauvaises fins sont la théorie de la décision, la statistique et les modèles de prévision. Le livre en donne des exemples d’usage erroné dans le domaine de l’économie, insistant par exemple sur l’erreur du FMI préconisant des politiques d’austérité totalement contredites par l’observation. Pour ce qui est des prévisions démographiques, des biais peuvent entraîner des écarts colossaux avec la réalité. Et que penser des algorithmes qui vous cataloguent à partir de données extorquées depuis votre ordinateur ?
Sont également évoqués les chiffres qui ne signifient rien, comme le chômage ou le seuil de pauvreté, à qui l’on peut tout faire dire selon l’objectif poursuivi. Et la majorité, c’est quoi ? La loi électorale peut tout changer. L’usage contestable des statistiques est encore évoqué en justice, en santé… Un juge peut-il s’appuyer sur des probabilités pour décider d’une sentence ? Quant à la santé, on l’a constaté avec la Covid, des statistiques biaisées peuvent entraîner des procédures contre-productives, sans compter le problème moral que peut soulever leur usage.
Le livre, passionnant, s’appuie sur l’histoire et sur des citations, dont les sources sont précisées. Tout au plus peut-on s’étonner d’affirmations extrêmes (sur Pythagore) ou contestables et sans rapport avec le sujet (sur Lewis Carroll).